Pour les chefs de chœur et choristes
Émission complète
est diffusée trois fois par semaine sur Radio Courtoisie.
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Chers amis internautes et auditeurs, c’est une rare émission que nous vous proposons cette semaine, celle de la Dédicace de l’Archibasilique du Très-Saint-Sauveur, à Rome, plus connue comme la basilique Saint Jean de Latran. Cette fête est célébrée le 9 novembre et a préséance sur le dimanche. Ce sera le cas cette année 2025, comme ce le fut en 1997, 2003, 2008 et 2014 ! 
Les pièces mises à la disposition des choristes sont issues d’un enregistrement indisponible en France à ma connaissance car extrait d’un coffret de 6 disques que je m’étais procuré en Allemagne, édité par le label Archiv Produktion en 1978*. Le 4e CD nous livrait cette messe de la Dédicace (avec les offices des matines, des laudes, des vêpres…) par les moines de l’abbaye de Fontgombault dirigés par Dom G. Duchêne. Les bénédictins chantent a cappella, ce qui n’est pas le cas dans le disque enregistré par la même abbaye en décembre 2003. Je vous laisse juger si vous le souhaitez en écoutant l’émission complète d’une heure avec commentaires. La cérémonie de la Dédicace d’une église est de toute beauté et mérite cette écoute !
* Titre exact du coffret des 6 disques : DIE TRADITION DES GREGORIANISCHEN CHORALS
Die 9 novembris
In dedicatione Archibasilicæ SSMI Salvatoris
Dimanche 9 novembre
Dédicace de l’Archibasilique du Très-Saint-Sauveur
IIe classe
► Introït: Locus iste
Le texte de l’Introït est tiré du livre de la Genèse dans le récit qui relate la première consécration, non pas encore d’un édifice, mais d’un autel au Seigneur. Jacob fuyant devant la colère de son frère Esaü, auquel il avait ravi le droit d’aînesse, s’arrêta pour dormir en un lieu qu’il appela Béthel (maison de Dieu), et c’est là qu’il eut le fameux songe où il voyait une échelle unissant le ciel et la terre avec les Anges montant et descendant, tandis que Dieu s’adressait à lui en lui promettant son assistance et une postérité innombrable. Il consacra alors au Seigneur la pierre sur laquelle il avait posé la tête pour dormir, en prononçant les paroles que nous chantons aujourd’hui.
Terribilis est locus iste : hic domus Dei est, et porta cæli : et vocabitur aula Dei.
Ce lieu est redoutable : c’est la maison de Dieu et la porte du ciel, et on l’appellera le Temple de Dieu.
Ce qui est déjà une belle définition de ce que seront nos églises.
La mélodie malgré sa sobriété et son peu d’amplitude est grave et solennelle. Elle exprime bien les sentiments de crainte révérencielle et d’adoration qui furent ceux de Jacob, et que nous devons ressentir chaque fois que nous entrons dans une église. Le verset est le début du psaume 83 dans lequel le peuple juif exilé exprimait son désir de revoir le temple de Jérusalem, maison de Dieu :
Quam dilecta tabernacula tua, Domine virtutum ! Concupiscit et deficit anima mea in atria Domini
Que vos demeures sont aimées, Seigneur des armées célestes ; mon âme soupire et languit après vos parvis.

► Graduel : Locus iste
Le texte du Graduel de la dédicace n’est pas tiré de la Sainte Écriture, ce qui est assez exceptionnel pour un Graduel.
Locus iste a Deo factus est, inæstimabile sacramentum, irreprehensibilis est. Deus, cui adstat Angelorum chorus, exaudi preces servorum tuorum.
Ce lieu a été fait par Dieu, c’est un symbole d’un grand prix, il est irréprochable. Ô Dieu, devant qui se tient le chœur des Anges, exaucez les prières de vos serviteurs.
Le mot sacramentum, que nous avons traduit, faute de mieux, par symbole, ne signifie pas sacrement au sens théologique du terme, mais la figure qui représente une réalité sacrée et invisible, la présence de Dieu parmi les hommes. La mélodie de cette première partie bien qu’assez ornée est relativement peu développée pour un Graduel. On n’y trouve pas de grandes vocalises, elle exprime le respect et la vénération pour la sainteté du lieu.
La deuxième partie est très différente ; c’est une prière qui s’élève vers Dieu mais avec confiance et même enthousiasme. Comment ne serait-on pas exaucé en un tel lieu ? L’évocation des chœurs des anges introduit la perspective céleste qui s’impose, puisque ce lieu, comme chantait l’Introït, est la porte du ciel. La mélodie retrouve ici les grandes vocalises habituelles des Graduels, s’élevant à l’aigu d’une façon légère et aérienne pour chanter avec les chœurs célestes.

► Alléluia : Adorabo
L‘Alléluia est la seule pièce de la messe de la dédicace dont le texte est tiré d’un psaume. Il s’agit du psaume 137 qui est un cantique d’action de grâces. C’est pour le remercier de ses bienfaits que le psalmiste s’engage à venir adorer le Seigneur dans son temple.
Adorabo ad templum sanctum tuum: et confitebor nomini tuo.
Je viendrai Vous adorer dans Votre saint temple et je célébrerai Votre nom.
Il faut noter que cette phrase n’est que la deuxième partie du verset du psaume dont le début disait : « Je chanterai en présence des Anges ». Les Anges sont réellement présents, bien qu’invisibles, dans nos églises qui sont vraiment la figure du ciel. S’il est vrai qu’on est plus sûr d’être exaucé lorsqu’on s’adresse à Dieu dans sa demeure, comme le chantait le Graduel, quel meilleur lieu peut-il y avoir pour venir Le remercier,
La mélodie présente un contraste assez net entre l’alléluia et le verset. L’alléluia est calme et peu développé ; on se tient devant le Seigneur avec respect et humilité. Si le verset commence dans la même ambiance sur le mot adorabo qui s’incline jusqu’à terre, ce verset devient ensuite beaucoup plus mouvementé avec de grands élans vers l’aigu très enthousiastes.

► Offertoire : Domine Deus
Le texte de l’Offertoire de la dédicace d’une église est tiré du Livre des Chroniques dans l’Ancien Testament, qui raconte l’histoire du roi David. Il s’agit ici d’un extrait de la grande prière que David a adressée au Seigneur avant de mourir, en contemplant et en offrant à Dieu toutes les richesses qui avaient été amassées pour la construction du Temple que son fils Salomon allait mener à bien. Tout le peuple d’Israël avait participé à cette collecte et s’était rassemblé pour cette offrande, sacrifiant volontiers une partie de ses biens pour que la maison de Dieu soit plus belle. Voici donc ce que dit David :
Domine Deus, in simplicitate cordis mei lætus obtuli universa : et populum tuum, qui repertus est, vidi cum ingenti gaudio : Deus Israël, custodi hanc voluntatem, Domine Deus.
Seigneur mon Dieu, dans la simplicité de mon cœur, je suis heureux de Vous offrir tout cela. C’est avec une grande joie que je vois Votre peuple ici rassemblé. Dieu d’Israël, gardez ces bonnes dispositions, Seigneur mon Dieu.
Au moment où nous offrons à Dieu le Saint Sacrifice qui va se renouveler sur l’autel, et où nous nous offrons nous-mêmes en union avec Lui, nous pensons à notre église où nous sommes rassemblés, et pour la beauté de laquelle nous ne devons pas hésiter à offrir tout ce que nous pouvons. La mélodie simple et paisible exprime parfaitement la joie pure et légère de celui qui a tout donné.

► Communion : Domus mea.
Le texte de l’Antienne de Communion de la dédicace réunit deux passages de l’Évangile, deux paroles de Notre Seigneur. La première a été prononcée quand Il a chassé les vendeurs du temple en disant : « Ma maison est une maison de prière et vous en avez fait une caverne de voleurs ». La deuxième appartient à la parabole de l’ami importun sur la nécessité de la prière : « demandez et vous recevrez ».
Domus mea, domus orationis vocabitur, dicit Dominus : in ea omnis, qui petit, accipit : et qui quarit, invenit, et pulsanti aperietur.
Ma maison est une maison de prière, dit le Seigneur. En elle, celui qui demande reçoit, celui qui cherche trouve et à celui qui frappe on ouvre.
La liturgie a habilement relié les deux passages par les deux petits mots in ea – en elle. C’est dans la maison de Dieu, qui est une maison de prière, que, plus qu’ailleurs, celui qui demande avec insistance est exaucé. Cette certitude est affirmée par la mélodie d’une façon joyeuse et pleine d’allant, mettant bien en valeur tous les accents du texte.
La Basilique du Latran est la cathédrale du Pape en tant qu’évêque de Rome. Elle a été érigée par Constantin vers 320. C’est la plus ancienne des églises de Rome (Saint Pierre sera construite 10 ans après). Elle est la mère de toutes les églises. Au IVe siècle, à la fin des persécutions, la mère de l’empereur Constantin donna à Melchiade, l’évêque de Rome, successeur de saint Pierre, une partie de la propriété de sa famille, les Laterani, pour s’y établir. Depuis, l’église qu’il édifia est restée la cathédrale de Rome, malgré tous les remaniements qu’elle a subis. Même si, après son «exil» à Avignon, le pape préféra s’installer près de Saint-Pierre à cause des fortifications qui entouraient ce quartier et lui offraient une protection plus sûre, la basilique reste «mère et maîtresse de toutes les églises».
LLe site nord-américain Musica Sacra (cliquez sur 1962 Missel puis choisissez l’antienne) nous offre des partitions du psaume qui peut être interprété en alternance avec cette l’antienne de Communion. C’est aisément déchiffrable pour tout choriste et nous encourageons vivement les chefs de scholas à les imprimer et à les travailler lors des répétitions. La psalmodie est le meilleur moyen d’apprendre à déclamer la phrase latine, à respecter les accents toniques, à prononcer cette langue liturgique sans hésiter…