Pour les chefs de chœur et choristes
Émission complète
est diffusée trois fois par semaine sur Radio Courtoisie.
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Pour ce dimanche de la Pentecôte c’est le chœur grégorien féminin polonais Liquescentes que vous entendrez dans les fichiers audio destinés plus particulièrement aux choristes. Vous pourrez lire en bas de cette page plus d’informations sur cette schola. L’émission avec commentaires vous fera découvrir un document exceptionnel exhumé de la Phonothèque nationale française : la schola des moines de l’abbaye de Montserrat en Catalogne en avril 1959, dirigés par Odilon Cunill. C’est un microsillon 45 T qui n’a jamais été réédité.
Fermez les yeux et dégustez !

DOMINICA PENTECOSTES
DIMANCHE DE LA PENTECÔTE
I classis cum Octava I classis
1re classe avec octave de 1re classe
Rouge
Dimanche 8 juin 2025
Le Temps Pascal a commencé le Samedi saint et ne se terminera que le samedi après la Pentecôte. Le dimanche de la Pentecôte en fait donc partie.
– Rappelons qu’il vous suffit de cliquer sur Émissions & MP3 dans le bandeau de la partie supérieure de la page d’accueil pour ce dimanche de la Pentecôte. Le compteur de ce site nous apprend que vous êtes très nombreux à en profiter et nous nous réjouissons que puisse ainsi rayonner la louange divine. Sachez toutefois que nous ne pouvons compter que sur votre aide matérielle pour faire face à nos inévitables frais (achat de disques, de matériel audio, informatique…)
– Le site Introibo vous procurera au dimanche de la Pentecôte, d’intéressants commentaires de Dom Guéranger, Dom Baron, Dom Schuster…
– Allez à la fin de cette page pour accéder au lien qui vous permettra d’obtenir la partition du psaume de communion que nous vous recommandons d’interpréter en alternance avec la pièce grégorienne. Comme l’introït et l’offertoire, cette antienne de communion se chantait en procession, et le Graduel de 1907, dans les pages intitulées De ritibus servandis in cantus missæ, prévoit la possibilité de chanter des versets de psaume alternés avec l’antienne pendant la distribution de la communion. Dans les années 70, lors d’un congrès Una Voce au Mesnil Saint-Loup, un moine bénédictin nous a rappelé avoir vu les fidèles se rendant à la communion, et chantant, par cœur, l’antienne grégorienne en alternance avec la chorale.

Introït : Spiritus Domini
La fête du dimanche de la Pentecôte célèbre, on le sait, la descente du Saint Esprit sur les Apôtres sous la forme de langues de feu, cinquante jours après Pâques, et après une retraite de dix jours au Cénacle sous la conduite de la Vierge Marie, faisant d’eux les témoins de la résurrection du Christ et du salut apporté à tous les hommes jusqu’aux extrémités de la terre.
Les chants du propre de la messe expriment admirablement cette invasion du monde par l’Esprit Saint.
Le texte de l’Introït est tiré de l’Ancien Testament, et plus précisément du livre de la Sagesse dont c’est un des premiers versets.
Spiritus Domini replevit orbem terrarum, et hoc quod continet omnia scientiam habet vocis.
L’Esprit du Seigneur emplit l’univers, et lui, qui fait tenir ensemble toutes choses, a la connaissance de toute parole.
A noter que le pronom hoc se rapporte à Spiritus, qui est pourtant masculin, mais on a gardé le neutre du grec Pneuma.
Dans l’Ancien Testament l’Esprit du Seigneur ne désignait pas une personne distincte, puisqu’on n’avait pas encore reçu la révélation du mystère de la Sainte Trinité ; Spiritus, c’est le souffle créateur, c’est une manière de désigner Dieu qui est pur esprit, qui est présent partout, fait exister toute chose dans une cohésion parfaite. Il sait tout, il voit tout, il entend tout même nos moindres paroles. Dans la liturgie de la Pentecôte ce texte s’applique au Saint Esprit, troisième personne de la Sainte Trinité, qui envahit en ce jour tous les cœurs, assurant l’unité des esprits dans la diversité des langues. La mélodie exprime à merveille ce souffle impétueux de l’Esprit s’élevant comme un vent violent, nous dit l’Écriture. Elle part mystérieusement du grave, puis monte progressivement en un immense crescendo jusqu’à l’extrême aigu, et y revient une deuxième fois avant de s’apaiser lentement sur les trois derniers Alléluias. Cet Introït est accompagné du premier verset du psaume 67, acclamation triomphale dont nous avions déjà trouvé des extraits dans la messe de l’Ascension, au deuxième Alléluia et à la Communion, et dont nous allons retrouver un passage dans l’Offertoire de ce jour.
Exsurgat Deus, et dissipentur inimici eus : et fugiant qui oderunt eum a facie ejus.
Dieu se lève et ses ennemis sont dispersés, et ceux qui le haïssent s’enfuient devant sa face.

Alléluia : Emitte Spiritum
Pour la dernière fois de l’année, puisque ce dimanche de la Pentecôte est le dernier du temps pascal, il n’y a pas de Graduel mais deux Alléluias, et comme les dimanches précédents ces deux Alléluias sont assez différents, le deuxième étant nettement plus long. Le premier utilise exactement la même mélodie que le premier Alléluia de la fête de l’Ascension, une mélodie type qui revient assez souvent au cours de l’année. Le texte du verset est tiré du psaume 103, grand cantique de louange et d’action de grâces pour les merveilles de la création.
Emitte Spiritum tuum et creabuntur, et renovabis faciem terræ.
Envoyez votre Esprit et ils seront créés, et vous renouvellerez la face de la terre.
» Ils » ce sont tous les êtres vivants, mais dans le psaume le verbe est à l’indicatif, c’est une affirmation. Après avoir dit au Seigneur » Vous retirez votre souffle et tous tombent dans le néant » le psalmiste ajoute : » Vous envoyez votre souffle et ils sont créés de nouveau. » La liturgie de la Pentecôte en mettant le verbe à l’impératif fait de ce verset une prière, et le souffle que l’on supplie Dieu d’envoyer c’est le Saint Esprit ; c’est lui qui fera toute chose nouvelle. La mélodie assez douce et calme convient bien à une prière suppliante.

Alléluia : Veni Sancte Spiritus
Le deuxième Alléluia du dimanche de la Pentecôte est nettement différent du premier. Ici nous n’avons ni mélodie type, ni texte scripturaire, c’est une composition originale. Elle est attribuée au roi de France Robert le Pieux, fils d’Hugues Capet, qui vivait au début du XIe siècle. Cela n’a rien d’étonnant : le roi de France à cette époque était un personnage liturgique, c’était l’évêque du dehors. Le sacre était considéré comme un sacrement, et lorsque le roi avait reçu, comme c’était le cas de Robert le Pieux, une éducation soignée dans un monastère, il remplissait volontiers la fonction de chantre. Le texte de cet Alléluia est devenu très célèbre. C’est la prière type au Saint Esprit que l’on récite souvent pour l’invoquer au début d’une réunion importante.
Veni Sancte Spiritus, reple tuorum corda fidelium ; et tui amoris in eis ignem accende.
Venez Saint Esprit, emplissez les cœurs de vos fidèles, et allumez en eux le feu de votre amour.
La mélodie très développée est vraiment expressive et suppliante. Cet Alléluia se chante à genoux.

Séquence : Veni Sancte Spiritus
Le verset du deuxième Alléluia de la messe du dimanche de la Pentecôte est suivi immédiatement d’une Séquence, qui en développe les thèmes littéraires et musicaux, mais qui est postérieure. En effet elle est généralement attribuée à Étienne Langton, archevêque de Cantorbery, qui vivait au début du XIIIe siècle. Elle comporte dix strophes, dont les mélodies se répètent deux par deux, et dont chacune est composée de trois petits vers de sept pieds. Le texte en est très poétique et la mélodie, assez lyrique, et inspirée de celle de l’Alléluia, le met parfaitement en valeur.
Veni Sancte Spiritus, Et emite cælitus Lucis tuæ radium. Veni pater pauperum, Veni dator munerum, Veni lumen cordium.
Consolator optime, Dulcis hospes animæ, Dulce refrigerium. In labore requies, In æstu temperies, In fletu solatium.
O lux beatissima, Reple cordis intima tuorum fidelium. Sine tuo numine, Nihil est in homine, Nihil est innoxium.
Lava quod est sordidum, Riga quod est aridum, Sana quod est saucium. Flecte quod est rigidum, Fove quod est frigidum, Rege quod est devium.
Da tuis fidelibus, In te confidentibus, Sacrum septenarium. Da virtutis meritum, Da salutis exitum, Da perenne gaudium.
Venez Esprit Saint, envoyez du ciel un rayon de votre lumière, venez père des pauvres, venez dispensateur des dons, venez lumière des cœurs.
Consolateur très bon, doux hôte de l’âme, doux rafraîchissement, repos dans le labeur, modération dans la chaleur, consolation dans les larmes.
O lumière bienheureuse, emplissez jusqu’au fond les cœurs de vos fidèles ; sans votre secours il n’y a rien en l’homme, rien qui soit sans défaut.
Lavez ce qui est souillé, arrosez ce qui est sec, guérissez ce qui est blessé, assouplissez ce qui est raide, réchauffez ce qui est froid, redressez ce qui est tordu.
Donnez à vos fidèles qui ont confiance en vous vos sept dons sacrés. Donnez-leur la récompense de leurs vertus, le salut final et la joie éternelle.

Offertoire : Confirma hoc
Le texte de l’Offertoire du dimanche de la Pentecôte est tiré du psaume 67, dont nous avons trouvé le premier verset à l’Introït et qui figurait déjà deux fois dans la messe de l’Ascension. C’est un cantique triomphal d’action de grâces pour les victoires accordées par le Seigneur à son peuple, évoquant notamment la conquête de la terre promise depuis le Sinaï jusqu’à Jérusalem. Nous sommes ici vers la fin du psaume, lorsque le peuple, arrivé sur la montagne sainte, demande au Seigneur de confirmer les merveilles qu’il a accomplies en établissant son règne sur toutes les nations.
Confirma hoc, Deus quod operatus es in nobis : a templo tuo quod est in Jerusalem tibi offerent reges munera.
Confirmez, ô Dieu, ce que vous avez accompli en nous. En votre temple, qui est à Jérusalem, les rois vous offriront des présents.
Ces rois qui offrent des présents font évidemment penser à l’Épiphanie ; ce n’est pas fortuit. Il y a entre Noël et l’Épiphanie le même rapport qu’entre Pâques et la Pentecôte, entre le mystère qui s’accomplit dans le secret et sa manifestation à tous les peuples. Le mystère de la Rédemption qui s’est accompli à Pâques est aujourd’hui manifesté par les apôtres, à qui la descente du Saint Esprit a donné la lumière pour comprendre enfin ce qui s’était passé et la force pour le proclamer. En chacun de nous ce mystère s’est accompli par la grâce du baptême, et c’est le sacrement de confirmation qui le parachève par les dons du Saint Esprit en faisant de nous des apôtres et des témoins. Il y a ainsi un rapport entre ce mot de » confirmation » et le premier mot de l’Offertoire Confirma. La mélodie médite calmement les richesses de ce texte en ce style contemplatif qui est le plus souvent celui des Offertoires. Elle ressemble beaucoup en particulier à celle de l’Offertoire de la messe de minuit de Noël.

Communion : Factus est repente
Le texte de la Communion du dimanche de la Pentecôte est tiré du récit des Actes des Apôtres.
Factus est repente de cælo sonus advenientis spiritus vehementis, ubi erant sedentes, et repleti sunt omnes Spiritu Sancto, loquentes magnalia Dei.
Il arriva soudain du ciel un bruit comme celui d’un vent violent, envahissant le lieu où ils étaient assis, et tous furent remplis de l’Esprit Saint, racontant les merveilles accomplies par Dieu.
Ce texte se passe de commentaires. La mélodie très mouvementée en suit parfaitement les différentes inflexions. Les grands intervalles du début évoquent l’arrivée impétueuse du vent ; un crescendo enthousiaste s’élève au début de la deuxième phrase, puis la mélodie s’étale avec complaisance pour annoncer les merveilles de Dieu.
Le site nord-américain Musica Sacra (cliquez sur 1962 Missel puis choisissez l’antienne) nous offre des partitions du psaume qui peut être interprété en alternance avec cette l’antienne de Communion. C’est aisément déchiffrable pour tout choriste et nous encourageons vivement les chefs de scholas à les imprimer et à les travailler lors des répétitions. La psalmodie est le meilleur moyen d’apprendre à déclamer la phrase latine, à respecter les accents toniques, à prononcer cette langue liturgique sans hésiter…
Le chœur féminin polonais Liquescentes.
Nous avions entendu parler de ce Choral Gregoriański, chœur grégorien féminin polonais qui s’était produit en concert en 2006 dans certains festivals musicaux.
Nous avons publié, dans le n° 257 de novembre 2007 de notre revue, une présentation de l’ensemble vocal, son origine, sa formation, par l’une des responsables. Ce qui semble avoir été décisif est une première rencontre avec Dom Hervé Courau, père abbé de Triors en 2003 puis en septembre 2006 lors du congrès annuel à l’abbaye de Tyniec, près de Cracovie, de l’association Saint Benoît Patron de l’Europe. N’ayant pas eu l’occasion d’assister aux prestations de ce chœur, il ne restait plus qu’à l’écouter en disque. C’est chose faite. Loin d’une musique de concert, nous découvrons une authentique prière chantée telle que nous l’aimons à Una Voce.
Notre association ne cessera de répéter qu’il peut être acceptable de faire découvrir ce chant sacré par le truchement de concerts mais que là n’est pas sa fonction.
Hérité d’une séculaire pratique, il se doit d’être replacé dans la sainte liturgie comme son support naturel. L’ensemble Liquescentes * y parvient admirablement. Il est vrai, comme nous le disions, que les six choristes bénéficient, depuis quelques années, de la collaboration de la bien connue abbaye bénédictine Notre-Dame de Triors, dans le nord de la Drôme, où elles viennent régulièrement et où a manifestement été réalisé l’enregistrement. Le livret est entièrement (ou presque) rédigé en polonais, langue peu accessible pour un francophone.
Mais le détail des 19 plages est exposé en latin et l’on saisit mieux qu’il s’agit de la messe et des vêpres de la fête de la Pentecôte. Le titre de l’album Veni Sancte Spiritus nous l’avait, il est vrai, déjà révélé.
Précisons tout d’abord que les choristes polonaises adoptent la prononciation à la germanique. Les moines les ont opportunément laissé dire [s] dans sciéntiam et vocis ou encore [g] dur dans fúgiant. Mais ils ont eux-mêmes bien sûr gardé le latin tel que nous le prononçons à la romaine dans leurs deux lectures.
Les cinq pièces du propre sont interprétées avec, en sus, l’épître et l’Évangile chantés par un moine de l’abbaye. L’ordinaire est la messe III des fêtes de Ire classe, moins connue que la messe II dont les chantres n’ont retenu que le Kyrie (plus facile que le III). L’ont pourrait détecter quelques finales un peu « percutées » dans telle pièce ou un manque de legato dans telle autre. Les notes supérieures ne sont pas toujours idéalement estompées. L’interprétation demeure toutefois incontestablement bien au dessus de la moyenne de ce qu’offrent en général les chœurs de laïcs. La belle méthode de Solesmes est scrupuleusement respectée et l’on sent les conseils avisés des bénédictins. L’un d’eux, directement impliqué dans leur apprentissage, m’a d’ailleurs confié que leur progrès est spectaculaire comme en témoigne l’écoute du précédent CD. Notons d’autre part que les cinq femmes ont de très belles voix, bien placées et justes. Loin de certaines voix « blanches » et sèches que nous infligent certains chœurs, l’ensemble possède un vibrato idéal qui procure une agréable impression de générosité qui sied bien au plain-chant en général et à cette belle fête en l’honneur de l’Esprit Saint en particulier.
La seconde partie du disque nous plonge encore davantage dans la liturgie. Ou, à tout le moins, loin des facilités de l’édition discographique qui choisit trop souvent les grands tubes de la musique grégorienne. Nous sommes en effet toujours en ce saint jour de la Pentecôte et, après l’hymne des vêpres, nous écoutons les cinq antiennes des mêmes vêpres dans le rit romain (jamais enregistrées à notre connaissance) encadrant les psaumes. Il vous suffit d’ouvrir votre « 800 », ou votre « 804 » réédité par le Barroux, et de constater que même les tons de la psalmodie sont retenus tel qu’indiqué (seul le Laudáte Púeri de la 4e antienne Fontes et ómnia est en 1a2 au lieu de 1a3 du missel !). L’antienne du Magnificat accompagnée du cantique évangélique clôt ce magistral ensemble qui constitue une bénédiction pour tout choriste consciencieux désirant préparer ses chants pour honorer la descente du Saint-Esprit.
Nous ne pouvons que nous réjouir qu’une collaboration si fructueuse ait pu voir le jour entre des moines et un chœur de laïcs. Une entreprise à poursuivre et à généraliser si la paix du cloître n’est point menacée !
Patrick Banken
