Pour les chefs de chœur et choristes
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Dimanche 14 septembre 2025
IN EXALTATIONE S. CRUCIS
FÊTE DE L’EXALTATION DE LA SAINTE CROIX
IIe classe – Rouge
La fête de l’Exaltation de la Sainte Croix est une fête importante qui l’emporte sur le dimanche lorsqu’elle tombe ce jour-là. C’était le cas en 2003, 2008, 2014 et maintenant, onze ans après, en 2025. Elle aura préséance cette année 2025 sur le Quatorzième dimanche après la Pentecôte. Elle sera alors chantée dans les paroisses, y compris dans le Nouvel Ordo sous le nom de La Croix glorieuse.
L’Introït Nos autem et le Graduel Christus factus est de la messe sont ceux de la messe vespérale du Jeudi saint. Ces chants ont été très enregistrés. Ce n’est pas le cas des autres pièces et j’ai préféré opter pour un seul enregistrement, celui des moines de l’abbaye Notre-Dame du Randol, dirigés par le P. Valet, fort rares au disque ! Ils avaient fait paraître en 1988 une cassette audio intitulée « Le Mystère de la Croix ». C’est cet enregistrement que vous écouterez car la qualité technique n’est pas moins bonne que celle du disque compact que les bénédictins ont publié plus tard sous le titre « Le Mystère de la Passion » : c’est le même enregistrement.
Il y a entre cette fête et le Vendredi saint la même relation qu’entre la Fête-Dieu et le Jeudi saint : les austérités de la Semaine sainte ne permettant pas de glorifier comme il convient la Sainte Croix, instrument de notre salut, une fête spéciale a été instituée à cet effet. Elle a été fixée au 14 septembre, qui fut d’abord la date de la dédicace de la basilique édifiée à Jérusalem par Constantin pour y recevoir la vraie Croix découverte par sa mère Sainte Hélène. Chaque année à cette date on y procédait à la solennelle Exaltation de la Croix, qui était élevée pour être exposée aux regards des fidèles. Lorsque les reliques de la vraie Croix se répandirent dans toute la chrétienté, la fête fut célébrée en différents lieux ; elle le fut probablement en Gaule avant d’être instituée à Rome au septième siècle.
► Introït : Nos autem
L‘Introït et le Graduel de cette messe nous montrent le lien étroit qui existe entre la messe et la Croix, lien que nous avons trouvé en sens inverse dans la Communion du dimanche de la Passion. La première phrase de l’Introït est empruntée à l’Épître de saint Paul aux Galates, dans la conclusion de cette lettre, et la suite a été ajoutée par l’Église.
Nos autem gloriari oportet in cruce Domini nostri Jesu Christi : in quo est salus, vita et resurrectio nostra : per quem salvati, et liberati sumus.
Pour nous il faut nous glorifier dans la Croix de Notre Seigneur Jésus-Christ, en qui est notre salut, notre vie et notre résurrection, et par qui nous avons été sauvés et délivrés.
La mélodie est, comme il convient, assez triomphale, pleine d’ardeur mystique et de ferveur, avec un beau crescendo dans la première phrase vers Domini nostri, qui se renouvelle dans la deuxième phrase vers vita. La troisième phrase est plus calme et contemplative. Cet Introït est accompagné du premier verset du psaume 66, petit psaume messianique annonçant la conversion de tous les peuples, ce qui sera un des fruits du sacrifice de la croix :
Deus misereatur nostri, et benedicat nobis : illuminet vultum suum super nos, et miseratur nostri.
Que Dieu ait pitié de nous et nous bénisse, qu’il fasse briller sur nous son visage et ait pitié de nous.

► Graduel : Christus factus est
Le Graduel est celui de la messe vespérale du Jeudi saint. Il exalte comme l’introït le sacrifice du Christ sur la Croix, et son texte est également de saint Paul, ce qui est pourtant assez rare dans les chants de la messe. C’est un passage célèbre de l’Épître aux Philippiens :
Christus factus est pro nobis obediens usque ad mortem, mortem autem crucis. Propter quod et Deus exsaltavit illum, et dedit illi nomen, quod est super omne nomen.
Le Christ s’est fait pour nous obéissant jusqu’à la mort, et à la mort sur la croix ; c’est pourquoi Dieu l’a exalté et lui a donné un nom au-dessus de tout nom.
Ce Graduel est également chanté à la fin de tous les offices du Triduum sacré, Jeudi, Vendredi et Samedi saints et particulièrement de l’office des Ténèbres. Le premier soir on ne chante que la première phrase, le deuxième on ajoute mortem autem crucis, et le troisième on ajoute la deuxième partie triomphale qui annonce la résurrection. La mélodie de ce Graduel est faite de formules que l’on retrouve dans de nombreux autres Graduels, mais elles sont admirablement choisies pour exprimer toutes les nuances du texte avec un contraste frappant entre les deux parties. La première est sombre et grave surtout le mot crucis qui s’enfonce dans les profondeurs. La deuxième, au contraire s’élève dans les hauteurs avec enthousiasme, particulièrement la grande vocalise aérienne ornant le mot illum, pronom qui désigne le Christ.
► Alléluia : Dulce lignum
Les autres chants de cette messe sont des compositions plus tardives dont les textes ne sont pas tirés de la Sainte Écriture. Celui du verset de l’Alléluia s’inspire en partie de l’hymne Pange lingua de Venance Fortunat que l’on chante à l’adoration de la Croix le Vendredi saint, et plus précisément de son refrain Crux fidelis.
Dulce lignum, dulces clavos, dulcia ferens pondera, quæ sola fuisti digna sustinere regem cælorum et Dominum.
Doux bois, doux clous, portant un doux fardeau : Toi seule, ô croix, as été digne de porter le Roi des cieux, le Seigneur.
La mélodie est joyeuse et affirmative, avec des vocalises très élégantes.
► Offertoire : Protege Domine.
Le texte de l’Offertoire de l’Exaltation de la Sainte Croix est assez long et ressemble plus à celui d’une oraison qu’à celui d’un chant du propre ; on y retrouve même certaines formules que le prêtre récite à l’autel à ce moment de la messe :
Protege, Domine, plebem tuam, per signum sanctæ Crucis, ab omnibus insidiis inimicorum omnium, ut tibi gratam exhibeamus servitutem, et acceptabile tibi fiat sacrificium nostrum.
Seigneur, par le signe de la Sainte Croix, protégez votre peuple de toutes les embûches de tous nos ennemis, afin que le culte que nous vous rendons vous soit agréable, et que vous daigniez accepter notre sacrifice.
La mélodie est calme et douce, peu étendue et sans grands écarts, déroulant de souples ondulations avec des formules qui se répètent dans une ambiance de méditation intérieure et contemplative.
► Communion : Per signum Crucis.
Le texte de la Communion de l’Exaltation de la Sainte Croix reprend presque exactement le début de celui de l’Offertoire, mais il est beaucoup plus court :
Per signum Crucis de inimicis nostris libera nos, Deus noster.
Par le signe de la Croix, délivrez-nous de nos ennemis, Seigneur notre Dieu.
Voilà une prière que nous pourrons répéter en faisant le signe de la croix dans les dangers et les tentations. La mélodie s’inspire en partie de celle de la Communion du commun des saintes femmes ; elle est très différente de celle de l’Offertoire, beaucoup plus mouvementée ; après une intonation assez grave, elle s’élève à trois reprises dans l’aigu de façon très expressive.
Le site nord-américain Musica Sacra (cliquez sur 1962 Missel puis choisissez l’antienne) nous offre des partitions du psaume qui peut être interprété en alternance avec cette l’antienne de Communion. C’est aisément déchiffrable pour tout choriste et nous encourageons vivement les chefs de scholas à les imprimer et à les travailler lors des répétitions. La psalmodie est le meilleur moyen d’apprendre à déclamer la phrase latine, à respecter les accents toniques, à prononcer cette langue liturgique sans hésiter…
Je vous propose d’écouter, outre les cinq pièces du Propre de la fête, la célèbre hymne des Vêpres de cette fête Vexílla Regis, douloureux chant de ralliement des partisans de l’Armée Catholique et Royale pendant les guerres de Vendée.
Le texte a été composé par Venance Fortunat, évêque de Poitiers au VIe siècle, pour le retour des reliques de la Sainte Croix.
Vexílla Regis pródeunt
Les étendards du roi s’avancent
Fulget crucis mystérium….
1) Voici que brille le mystère de la croix, où la vie a subi la mort, et par sa mort, rendu la vie.
2) Du côté, percé par le fer cruel de la lance, coulent, pour effacer nos crimes, le sang et l’eau.
3) Alors s’accomplit l’oracle de David disant aux nations dans ses vers inspirés : Dieu régnera par le bois.
4) Arbre précieux et éclatant de gloire, paré de la pourpre du Roi, tu fus appelé en ton noble tronc à toucher des membres si saints.
5) Heureuse Croix ! À tes bras est suspendue la rançon du monde ! Tu es la balance où fut pesé ce Corps, qui a enlevé à l’enfer sa proie.
La 6e strophe, la plus célèbre, se chante à genoux.
O Crux, ave, spes única…
6) Salut, ô Croix, notre unique espérance ! L’hymne est également celle du dimanche de la Passion. L’on chante alors Hoc Passiónis témpore = En ce temps de la Passion.
Ce 14 septembre, le texte diffère et l’on entend les quatre mots In hac triúmphi glória = en ce glorieux triomphe. Puis les paroles sont les mêmes :
Accordez aux justes un accroissement de grâce et aux pécheurs effacez leurs crimes.
7) O Trinité, principe de notre salut, que tout esprit vous glorifie. Vous nous donnez la victoire par la Croix, ajoutez-y la récompense.
La version discographique de l’hymne de cette fête, avec sa légère variante de la 6e strophe est très rare. Les 14 interprétations dont je dispose n’offre que la version de la Passion. Seuls les moines de l’abbaye Notre Dame de Randol, près de Clermont-Ferrand, nous l’offre. Il s’agit de la version monastique bénédictine qui présente quelques très légères variantes mélodiques.
C’est une cassette éditée par le label Art et Musique (réf. AMK 103/8805) intitulée « Le Mystère de la Croix » qui nous offre les cinq chants du Propre de cette messe que vous écouterez en cliquant sur le curseur ci-dessus.
Je vous propose l’interprétation des séminaristes de l’Institut du Christ-Roi Souverain Prêtre de Gricigliano, en Toscane dans la version du dimanche de la Passion. Les choristes n’auront plus qu’à remplacer Hoc Passiónis témpore par In hac triúmphi glória après O Crux, ave, spes única…
Patrick Banken