Pour les chefs de chœur et choristes
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SEPTEM DOLORUM B. M. V.
Fête des Sept Douleurs de la Bienheureuse Vierge Marie
15 septembre 2024
IIe classe – Blanc
Nous célébrons, en ce dimanche 15 septembre 2024, le dix-septième dimanche après la Pentecôte que vous trouverez ICI. Il nous a plu d’ajouter cette année cette messe mariale rarement chantée, d’autant que certains d’entre vous devront la travailler et l’interpréter comme je l’explique ci-dessous.
À la différence de la fête de l’Exaltation de la Sainte Croix qui a préséance sur le dimanche quand celui-ci tombe un 14 septembre, la fête des Sept Douleurs de la Bienheureuse Vierge Marie du lendemain 15 septembre n’a pas ce privilège.
C’est plutôt une commémoration qu’une fête au sens de festivité.
C’est une très belle et très émouvante messe. Nous avons d’autre part appris que les oblates de la FSSPX ont choisi ce saint patronage et que le Supérieur général avait érigé la fête au rang de 1re classe dans tous les lieux de culte de la Fraternité. Ce sera la première fois qu’elle sera célébrée et chantée un dimanche en raison de cette occurrence. Nous vous savons nombreux à nous suivre et à nous écouter et nous vous remercions de votre fidélité.
– Le compteur de ce site nous apprend que vous êtes très nombreux à en profiter et nous nous réjouissons que puisse ainsi rayonner la louange divine. Sachez toutefois que nous ne pouvons compter que sur votre aide matérielle pour faire face à nos inévitables frais (achat de disques, de matériel audio, informatique…)
– Le site Introibo vous procurera d’intéressants commentaires de Dom Guéranger, Dom Baron, Dom Schuster…
– Écoutez la bande sonore de notre émission de dimanche prochain, sur ce même site , dès le lundi précédent, en cliquant sur le petit triangle à gauche du curseur comme pour les fichiers ci-dessous. Préparez ainsi les chants des messes dominicales, liturgiquement, spirituellement et… vocalement.
Voici la pochette du microsillon vinyle que nous utiliserons pour cette belle fête mariale…
Bonne écoute ! Ut in ómnibus glorificétur Deus…
L’Église exprime à la Mère des Douleurs sa sympathie douloureuse et, évoquant son rôle dans l’économie de la Rédemption, la prie de nous en appliquer les mérites. La dévotion à ce que l’on appelait la Compassion de Notre Dame remonte au XIIIe siècle, époque à laquelle elle fut propagée en la détaillant en Sept douleurs par la Congrégation des Servites de la Mère de Dieu.
Une première fête de Notre-Dame des Sept Douleurs fut fixée au XVIIe siècle au Vendredi de la Passion, mais ce jour, comme toutes les féries de Carême, possédait déjà une messe. Aussi une nouvelle fête fut-elle instituée en 1814 par le pape Pie VII et fixée d’abord au IIIe dimanche de septembre.
Le réforme de saint Pie X, visant à redonner au dimanche ses prérogatives l’a placée à un jour fixe du calendrier le 15 septembre, le lendemain de l’Exaltation de la Sainte Croix, unissant ainsi la compassion de la Vierge à la Passion de son fils.
Chapelle de Notre-Dame de Saint-Goueno (Côtes d’Armor)
La dévotion à Notre-Dame des Sept Douleurs, dont la poitrine est percée de sept glaives, remonte au XIVe siècle. La chapelle est totalement reconstruite en 1893, sur un promontoire dominant toute la région du Mené. Une statue de la Vierge, en bois, datant de l’ancienne chapelle, occupe le chœur de l’édifice.
C’est bien sûr la Croix qui fut le paroxysme des douleurs de la Très sainte Vierge. Les sources profondes du culte de cette fête résident dans le texte de l’Évangile selon saint Jean, au chapitre XIX dont l’extrait que voici fournit les paroles de l’introït de cette fête.
Stabant juxta crucem Jesu mater ejus et soror matris ejus María Cléophæ et Salóme et María-Magdaléne.
Près de la Croix se tenaient debout sa Mère et la sœur de sa Mère, Marie, femme de Cleophas, et Salomé et Marie-Madeleine.
Puis le verset bien connu :
Múlier, ecce Fílius tuus, dixit Jesus ; ad discípulum autem : ecce Mater tua.
Femme, voici ton Fils, dit Jésus et au disciple : voici ta Mère.
Mais avant d’entendre cet introït, je vais laisser la parole à Dom Ludovic Baron et vous aurez ainsi toute liberté pour juger du bien fondé de ses propos assez peu indulgents sur cette pièce !
« La mélodie est calquée sur celle de l’introït státuit du commun d’un Confesseur Pontife. L’adaptation n’est pas heureuse. Sur ces paroles, qui ne sont en fait qu’un récit, et des plus simples, il eût fallu une mélodie, elle aussi toute simple. Il y a ici trop d’emphase, sans parler d’une certaine exaltation qui est tout à fait déplacée. Notamment sur Maria Cléophæ, personnage de tout second plan. Chantez dans un mouvement assez lent et surtout dans un sentiment de compassion ; c’est le seul moyen de pallier les défauts de l’adaptation ».
Les paroles du graduel, non scripturaires, jaillissent selon Dom Baron, comme un cri de l’âme.
Dolorósa et lacrimábilis es, Virgo Maria…
Pleine de douleurs et en larmes, ô Vierge Marie, vous vous tenez debout auprès de la croix du Seigneur Jésus votre Fils, le Rédempteur.
Puis le verset :
Virgo Dei Génitrix…
O Vierge Mère de Dieu, celui que l’univers ne peut contenir, l’auteur de la vie fait homme subit ce supplice de la croix
La mélodie est calquée sur le graduel Benedícta et venerábilis des messes votives de la Très Sainte Vierge, la très connue messe Salve Sancta Parens.
On retrouve, dans l’alléluia, le même thème douloureux dans la même vénération compatissante de l’Église qu’exprimait le graduel.
Stabat Sancta María, cæli Régina, et mundi Dómina, juxta crucem Dómini nostri Jesu Christi dolorósa.
Sainte Marie, la Reine du Ciel, la Souveraine du monde, était debout pleine de douleur auprès de la croix de notre Seigneur Jésus-Christ.
La première incise de ce verset s’élève comme un cri de souffrance aiguë, puis s’apaise sur le mot Maria. La mélodie n’est plus alors que plainte s’achevant dans une ambiance de contemplation douloureuse.
Albrecht Dürer Alte Pinakothek Munich
Le plus beau texte de cette messe est sans conteste celui de la séquence Stabat Mater généralement attribuée à l’Italien de Benedetti. Il l’aurait composée après la mort de sa femme dans un bal. Il entra ensuite chez les franciscains et prit le nom de Jacopone de Todi. Mort en 1306, il a été béatifié.
C’est un poème très émouvant. Dom Cabrol dans son livre de la prière antique écrit à son sujet : « C’est une des plus admirables proses que nous ait léguées le Moyen Âge, un vrai chef d’œuvre de piété naïve et touchante et de grâce, d’une facture à la fois souple, simple et savante ».
Stabat Mater Dolorósa juxta crucem lacrimósa dum pendébat Fílius.
Debout la Mère de douleur se tenait en larmes près de la croix où pendait son Fils.
Traduisons 4 strophes parmi les 20 que comporte la Séquence.
Voici la 6e :
Qui pourrait sans tristesse contempler la Mère du Christ souffrant avec son Fils.
La 11e est le Sancta Mater qui se chante au Chemin de Croix :
O Sainte Mère, fixez fortement les plaies du Crucifié en mon cœur.
Et enfin deux des dernières :
18) O Christ quand il faudra quitter la terre donnez-moi par votre Mère de parvenir à la palme de la victoire.
19) Quand mourra mon corps, faites qu’à mon âme soit accordée la gloire du Paradis.
La mélodie n’est nullement de la fin du XIIIe siècle comme la composition du poème mais a été élaborée, selon Dom Baron, par un moine de Solesmes Dom Jausions, disparu en 1870 ou, selon d’autres commentateurs par son prédécesseur Dom Fonteinne, un des premiers compagnons de Dom Guéranger. Elle s’accorde très bien, malgré cette composition tardive à ces paroles inspirées, toute en demi-teinte dans une atmosphère de prière ardente, mais simple, avec d’émouvants accents de tristesse.
La séquence Stabat Mater de Notre-Dame des Sept Douleurs est suivie de l’offertoire Recordare Virgo Mater. Les paroles sont du prophète Jérémie. Quelques modifications en font une belle prière à Notre Dame.
Souvenez-vous, Vierge Mère de Dieu, quand vous serez devant le Seigneur d’intercéder en notre faveur auprès de Lui et de détourner sa colère.
La mélodie est très belle, exprimant admirablement la prière tendre et confiante qui s’achève en une vraie supplique grandiose et émouvante à la fois. Cette mélodie est inspirée de l’offertoire Recordare mei que nous entendrons bientôt au XXIIe dimanche après la Pentecôte.
Passons à l’antienne de communion de la fête des Sept Douleurs.
Felíces sensus beátæ Maríæ Vírginis qui sine morte meruérunt martýrii palman sub cruce Dómini.
Heureux le corps de la bienheureuse Vierge Marie qui, sans mourir, obtint la palme du martyre au pied de la croix du Seigneur.
Notre Dame est ainsi fêtée comme Reine des Martyrs. Prions souvent la sainte Vierge. Prions-la pour nos défunts. Confions-lui nos êtres chers, nos intérêts, nos désirs, nos peines. Demandons-lui de nous aider à souffrir comme elle par amour de dieu et des âmes.
Dom Baron nous dit que l’original de cette antienne est la communion Beáta víscera des messes votives de Notre Dame.
Il trouve le calque servile, un peu trop, mais affirme que l’ensemble a une expression de réserve discrète qui va bien à la sympathie douloureuse.
Rappelons quelles sont ces sept souffrances que la très Sainte Vierge dut subir :
- La prophétie de Siméon rapportée par saint Luc « Votre âme sera transpercée d’un glaive ».
- La fuite en Égypte
- La perte de Jésus au temple
- Le portement de Croix
- Le crucifiement
- La descente de la Croix
- Et enfin la sépulture de Notre Seigneur
C’est un dénommé Callixte Palumbella qui composa, au XVIIIe siècle, les paroles de l’hymne des vêpres de la fête.
L’inspiration est quelque peu ampoulée.
Jam toto súbitus vesper eat polo, et sol attónitum præcípitet diem, dum sævæ récolo ludíbrium necis, divinámque catástrophen.
Vous étiez présente à ce supplice, ô Mère, inondée de douleurs, mais l’âme vaillante, quand votre Fils, cloué sur la fatale croix, poussait de profonds gémissements.
Suspendu sous vos yeux, votre Fils déchiré de sillons sanglants, votre fils transpercé de plaies béantes, vous traverse de mille traits acérés !
Je ne résiste pas à vous donner en latin la 3e strophe tant nous ne sommes guère accoutumés à ce vocabulaire.
Eheu ! Sputa, álapæ, vérbera, vúlnera, clavi, fel, áloe, spóngia, láncea, sitis, spina, cruor, quam vária pium cor pressére tyránnide !
Les crachats, les soufflets, les coups et les blessures, les clous, le fiel, l’aloès, l’éponge et la lance, la soif, les épines, le sang, que de tortures brisent votre Cœur aimant !
Vous êtes cependant debout, ô Vierge, plus généreuse que tous les martyrs. Prodige nouveau, ô Mère, vous mourrez et vous ne mourez pas parmi tant d’atroces douleurs.
Gloire, louange, honneur à la Trinité Sainte, d’elle j’implore humblement, ardemment, un courage semblable à celui de la Vierge au milieu des adversités.
Ce texte prétentieux est fort heureusement racheté par une admirable mélodie déjà présente dans les manuscrits bénéventins du XIIe siècle.
Les moniales de Jouques ont enregistré le sublime répons Caligavérunt, le IXe du Vendredi saint, soit le dernier du IIIe nocturne.
Caligavérunt óculi mei a fletu meo, quia elongátus est a me qui consolábatur me. Vídete omnes pópuli si est dolor símilis dolor meus.
Mes yeux se sont obscurcis à force de pleurer car celui qui me consolait m’a été enlevé. Peuples, voyez tous s’il est douleur semblable à ma douleur.
Et nous retrouvons le verset :
O vos omnes qui tránsitis per viam, atténdite et vídete.
O vous tous qui passez, regardez et voyez.
Permettez-moi, cher auditeur internaute, de préférer malgré la belle interprétation des moniales l’incomparable version des moines de Solesmes dirigés en 1963 par Dom Gajard, qui a su exprimer la souffrance, mais aussi la douceur, la tendresse du Crucifié. Écoutez, entre autres, cette sublime détresse dans le elongátus est a me.